On y dansait la valse, la polka et le bal musette

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Véritable symbole de la culture « au bord de l’eau »,  les guinguettes constituent un élément marquant de l’identité  des bords de Seine (et des bords de Marne). Dans le sillage  des soirées et repas organisés « Chez Giquel », retour sur  cet ancien « loisir » qui revient aujourd’hui à la mode.

"Ce ne sont point les planches de Trouville, mais "Rueil-plage" a son public », titrait la presse en juin 1914 ! C’était l’époque où Mistinguett et Maurice Chevalier venaient y amarrer leur bateau, le « Gordon », pour manger un morceau « Chez Giquel ». C’était celle où Mesdemoiselles Geneviève Vix (soprano) et Marie-Louise Derval (actrice) se rendaient sur les berges, pas seulement pour se montrer, mais aussi pour pratiquer les sports aquatiques. « Certains préfèrent le voilier […], d’autres le canot automobile, mais la nouveauté, l’embarcation à la mode, c’est le canoë, qui nous vient du Canada », poursuivait l’article.

Sur les bords de Seine et de Marne

Les premières guinguettes se développent à la fin du XVIIe siècle. Elles fleurissent dans les villages voisins de la capitale (Belleville et Montmartre), afin d’échapper au fameux octroi qui taxait les denrées et les vins. « Le vin produit dans les vignobles situés autour de Paris, alors appelé "ginguet" ou "guignet", était meilleur marché », expliquait Liliane Kalenitchenko, ancienne chargée de mission au cabinet du maire et mémoire de Rueil. Vers 1860, Paris s’agrandit et annexe les villages. Les guinguettes se déplacent ainsi sur les bords de Seine et de Marne.

Au temps des impressionnistes

Grâce à l’arrivée de la ligne de chemin de fer Paris-Saint Germain en Laye, les Parisiens rejoignent facilement Bougival, Croissy, Chatou et bien sûr Rueil, où se trouvent de nombreux établissements, dont les plus réputés sont La Grenouillère et le restaurant Fournaise, mais aussi le restaurant Giquel (lire encadré). L’industrialisation s’accompagne d’une évolution du niveau de vie et des mœurs. Les tenues endimanchées et le port du canotier deviennent coutumiers en ces lieux où l’on vient aussi pour voir et être vu. C’est aussi l’époque des peintres impressionnistes, notamment Claude Monet et Pierre-Auguste Renoir, qui en immortalisent l’atmosphère dans de célèbres toiles.

Le bal musette

La première moitié du XXe siècle constitue l’âge d’or des guinguettes. En effet, la généralisation du repos hebdomadaire en 1906 et des transports permet aux Parisiens de profiter facilement des joies de la campagne. Les bords de Marne et de Seine sont alors des sites appréciés. Né de la rencontre entre les immigrés auvergnats et italiens, qui introduisent l’accordéon, le bal musette devient la danse populaire à la mode dans les guinguettes.

Déclin et renaissance

À la Libération, la population a besoin d’oublier les souffrances et les privations et retrouve le goût de la danse et de la fête. Les guinguettes connaissent alors l’influence des rythmes américains, qui font concurrence au bal musette. Dans les années 60-70, après plusieurs siècles d’existence, l’interdiction de la baignade pour motifs d’hygiène et de sécurité, le désir d’évasion plus lointaine et la mode du yéyé et du rock en annoncent le déclin. Des établissements sont détruits et la tradition, oubliée. Ce n’est qu’au début du troisième millénaire que les guinguettes reviennent en vogue, souvent grâce aux associations qui restaurent les bâtiments et y organisent des fêtes.

L’opération séduction est à nouveau en marche. Si vous souhaitez goûter à cette ambiance unique, ne manquez pas les prochains événements organisés par les Amis de la maison Giquel.

La maison Giquel

Le restaurant Giquel (également un garage à bateaux), fondé en 1875 par le marchand de vin Adolphe Giquel, a été sauvé de la démolition par le maire, qui en a confié la restauration à l’association Les Amis de la maison Giquel. « Selon une publicité de l’époque, les garages pouvaient abriter cent bateaux  ! », indique Michel Maraine, président de l’association. La cuisine servie au restaurant était très appréciée, notamment les matelotes d’anguilles et les fritures qu’Adolphe Giquel pêchait lui même. » L’établissement a été très fréquenté jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Ensuite, le site a malheureusement été rasé. Aujourd’hui, il ne reste que la salle de restaurant que l’association s’emploie à faire revivre après d’imposants travaux.

 

Depuis la rédaction de cet article, Sylvie Halipré est devenue présidente de l’association Les Amis de la maison Giquel. De plus, la Ville, après l’acquisition de la maison Daubigny (qui se situe à côté de la maison Giquel et qui a fait l’objet d’un don), a pu envisager la création d’un nouvel espace culturel (doté d’un parc) qui a ouvert dernièrement !