Professeur M. Zureik : « Le port généralisé d’un masque constitue une mesure phare pour se protéger et protéger les autres »

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Le professeur rueillois en épidémiologie et en santé publique, Mahmoud Zureik, nous livre son expertise sur les précautions à prendre en cette période de crise sanitaire inédite.

Mahmoud Zureik est professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) et dirige également le groupement d’intérêt scientifique EPIPHARE, une structure d’expertise publique en pharmacoépidémiologie des produits de santé et de sécurité sanitaire, autonome et réactive.

Depuis le début du confinement, il a réalisé une étude sur l’usage des médicaments en ville durant l’épidémie de COVID-19 qui a pour objectif de comprendre les comportements de consommation en médicaments des Français dans ce contexte particulier.

Suivant de près l’actualité, le professeur nous partage son regard sur la situation et les précautions à prendre.

"Après des semaines particulièrement difficiles sur les plans sanitaire, social et économique, le printemps sanitaire du COVID-19 est à l’horizon. Depuis trois semaines, l’épidémie est en nette régression (certes lente) et cette amélioration devrait se poursuivre, au moins, jusqu’au début progressif du déconfinement. C’est essentiellement grâce à nos efforts de tous, par le respect du confinement et par l’application des gestes barrières, que ces résultats sont obtenus. Mais malheureusement le virus sera toujours en circulation parmi nous après 11 mai. Nous attendons à partir de cette date 1 000 à 3 000 cas par jour (contre 50 000-75 000 cas par jour lors du pic épidémique). L’évolution de l’épidémie et du nombre de cas dans les semaines et les mois à venir dépendront à la fois du comportement du virus (nommé SARS-COV-2) et, surtout, de nous.

Évidemment, l’arrivée d’une nouvelle vague est dans la tête de chacune et de chacun d’entre nous. Ce coronavirus fait partie d’une famille nombreuse de coronavirus. Ses cousins, responsables des épidémies en 2003 et en 2012 (avec des bilans moins meurtriers), sont disparus mystérieusement quelques mois plus tard (ou restés très limités géographiquement).

Notre capricieux coronavirus survivra-t-il à l’été ? Personne, à l’heure actuelle, ne pourra répondre à cette question. Les travaux de recherche indiquent que ce virus est un peu (mais juste un peu) sensible à la chaleur et à l’humidité.

Si nous ne pouvons pas prévoir le comportement du virus, nous pouvons l’aider à disparaître. Réaliser de tests de diagnostics en masse par les professionnels de santé, tracer et isoler les malades sont des éléments importants (un grand succès de cette stratégie en Corée du Sud et d’autres pays asiatiques). Malheureusement, cela ne sera pas suffisant et la clé de la réussite est encore entre nos mains notamment en continuant le respect des gestes barrières, parmi lesquelles, se laver les mains souvent, se couvrir le nez et la bouche quand on tousse ou éternue et respecter la distanciation physique (dans la rue, les transports en commun et au travail) d’au moins 2 mètres (oui je vous l’accord, ce n’est pas possible dans le RER A et dans les bus de Rueil-Malmaison).

Le port généralisé d’un masque par toutes et tous constitue (et aurait dû certainement constituer depuis le début de l’épidémie) une mesure phare pour se protéger et protéger les autres. Parmi les trois grands types de masques, les masques FFP2 et les masques chirurgicaux sont réservés aux professionnels de santé, aux malades et aux personnes fortement exposées. Le troisième type, les masques grand public et les masques artisanaux sont préconisés cette fois-ci pour la population générale et recommandés par l’Académie Nationale de Médecine et les différentes institutions européennes. Par définition, il n’y a pas de normes strictement établies (néanmoins des recommandations de l’agence de normalisation AFNOR) ni de certifications pour ce type de masques. Les études sont convergentes pour dire qu’ils sont relativement efficaces et offrent une efficacité autour de 70% (contre 85% pour les masques chirurgicaux et 95% pour les FPP2). Cependant, le port généralisé des masques, par l’ensemble de la population, renforce considérablement l’efficacité et la protection (moins d’émission de sécrétions et moins de réception). Cette efficacité serait du même ordre que celle des professionnels de santé, à la différence notable que ces professionnels sont fortement exposés au virus (ce qui n’est pas le cas heureusement pour la population générale). 

Bien que le port de masques et les autres gestes barrières ne garantissent pas une protection à 100%, les appliquer simultanément et sur la durée est la meilleure solution pour atteindre une efficacité maximale."

Mahmoud Zureik, Professeur d’épidémiologie et de santé publique.