Les jardins du cardinal

Publié le - Mis à jour le

Un nouveau parc ! Bientôt, le projet en construction en centre-ville sur le site anciennement occupé par Novartis (jadis site du château du Val) permettra à tous les Rueillois d’accéder, de la place Richelieu, à un nouveau parc public avec vue sur  l’ancien lac du château cardinal.

Du centre ville, pour se rendre à Bois Préau, on croise la « rue du Château » ainsi dénommée non pas parce qu’elle va à la Malmaison mais du fait qu’elle conduisait au « château du Val », résidence du cardinal de Richelieu qui y avait aménagé un jardin à l’italienne, inspiré de celui de la Villa d’Este de Tivoli, avec des fontaines et une grande cascade (à laquelle l’allée de la Cascade  fait aujourd’hui référence).

Seuls quelques vestiges demeurent, comme le pavillon du père Joseph qui abrite aujourd’hui le centre culturel de l’Ermitage. Difficile d’imaginer le faste qui caractérisait les jardins du château du Val au XVIIe siècle ! Dans sa propriété rueilloise, Richelieu avait conçu un espace extérieur, probablement d’inspiration italienne, qui mêlait admirablement l’eau, la verdure et la pierre. Sur ce terrain accidenté, une magnifique cascade créée à flanc de colline laissait ruisseler les eaux, tel un gigantesque escalier orné de vasques, jusqu’à une nappe bordée d’une superbe balustrade. Une première grotte de rocaille, d’ordre toscan, se dressait à l’extrémité de l’allée de la cascade et une seconde au bout d’un canal bordé de bassins et de jets d’eau. Celui du dragon, tournant sur lui-même, arrosait les invités du cardinal.

Comme à Versailles

Car l’on vient parfois de loin visiter ce jardin très apprécié des célébrités de l’époque, agrémenté d’une grande orangerie dont le corps de bâtiment compte neuf arcades. À côté, un arc de triomphe, copie de celui de Constantin à Rome, est adossé à un mur recouvert d’un trompe-l’œil. La perspective est peinte « avec tant de vérité qu’on a vu des hirondelles et d’autres oiseaux, croyant passer au travers, se tuer contre la muraille », relate-t-on dans les documents de l’époque. Partout, ce ne sont que statues, fontaines, cascatelles et bassins, au milieu d’un parc planté d’arbres et de fleurs décorant les parterres. À la mort de Richelieu en 1642, sa nièce, la duchesse d’Aiguillon, hérite du château du Val. La propriété séduit Louis XIV au point qu’il propose de l’acheter en 1666 ! L’affaire ne se fera pas et le Roi-Soleil s’installera finalement à Versailles. Pour dessiner les jardins du château, Le Nôtre, dit-on, s’inspire des créations de Richelieu…

Rien que le souvenir

Hélas, les anciens jardins du cardinal perdent peu à peu de leur superbe, en raison de leur coût d’entretien faramineux – les eaux, notamment, étaient amenées à grands frais depuis l’étang de Saint Cucufa. Les héritiers ne peuvent tout sauvegarder : la grande cascade est transformée en un tapis vert, les bassins sont comblés, les statues dispersées ; quant à l’arc de triomphe, il ne résiste pas aux outrages du temps. Au XIXe siècle, tout est démoli et loti. Une fin qui inspire ces vers en 1881 : « Du parterre français je cherche en vain la place / Je cherche le château, je n’en trouve plus trace / Que reste-t-il du gouffre où tombaient les cascades ? / Rien que le souvenir et quelques vieux dessins / De l’homme ou bien du temps, qui donc le plus dégrade ? »

Et après ?

Au XVIIIe siècle, c’est le parc de Bois Préau qui attire les visiteurs. Écuyer et maître d’hôtel de la reine Marie Leszczynska, le propriétaire Jean Garnier l’a agrémenté d’orangers, de jasmins d’Espagne et de lauriers-roses, avec un parterre à l’anglaise. Des allées bordées de massifs et d’arbres taillés en arcade mènent à un baldaquin en trois dômes, orné de statues représentant des divinités chinoises. Le haut du jardin accueille un théâtre de verdure, une volière et un bassin d’où jaillissent des jets d’eau. Au XIXe siècle, le jardin de Rueil le plus remarquable sera évidemment celui de Malmaison, embelli et aménagé par Joséphine « à l’anglaise » : rivière, rochers, cascades, pièce d’eau où nagent des cygnes noirs, temple de l’Amour, végétaux exotiques et même des animaux ! Avec ses 950 m², la grande serre chaude va jusqu’à surpasser celle du Jardin des plantes de Paris… Près de deux cents variétés nouvelles fleurissent ainsi pour la première fois en France, de 1803 jusqu’à la mort de l’impératrice en 1814.