Et Rueil apparut…

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Récemment acquis par la Ville, un ouvrage qui compte parmi les premiers à avoir été imprimés en France fait remonter au VIe siècle la toute première mention historique de Rueil. Notre commune n’est alors qu’une vaste exploitation agricole, propriété du roi de Paris.

Seulement une vingtaine d’exemplaires dans le monde… dont un à Rueil !

La Ville vient d’acquérir une édition de 1512 de l’Histoire des Francs rédigée par Grégoire de Tours au VIe siècle. « Un ouvrage rarissime donc, et d’un intérêt capital pour la connaissance du passé de notre commune  », souligne Didier Ducros, président de la société historique. Au folio 99, on y trouve en effet la première mention historique de Rueil. Ou plutôt de Rotoialum villae, également Rotariolensem villam dans cette copie. L’expression désigne ce qui n’est alors qu’une villa, dans le style romain. « Il s’agit d’une grande propriété agricole qui comprend des champs, des communs pour entreposer le matériel et les productions, essentiellement du grain et des fruits, mais aussi des logements pour les personnes qui travaillent sur l’exploitation, ainsi qu’une bâtisse principale qui accueille le propriétaire des lieux lors de ses visites », explique Philippe Tessier, du service des archives de la Ville.

En latin dans le texte

Le livre ne donne pas plus d’indications sur la nature de cette habitation. Mais en croisant avec les recherches archéologiques qui, dans les années 1930-1940, ont mis au jour des murs en pierre sèche dans le sous-sol de l’ancien cimetière rue Liénard, on en déduit que ce bâtiment était en dur. « Plutôt une bâtisse modeste qu’un palais », tempère toutefois Philippe Tessier. L’ouvrage atteste également du caractère agricole de la ville. D’origine celte, Rotoialum est en effet formé du préfixe Rot, qui signifie potentiellement le « gué » ou la « roue » (sans aucune certitude), et du suffixe -oialum, pour « clairière ». Or l’on sait, toujours grâce aux fouilles archéologiques, que le territoire rueillois a fait pendant des siècles l’objet de défrichements successifs pour aménager des terrains agricoles.

Mais au fait, que s’est-il passé dans ce Rotoialum qui justifie que Grégoire, évêque de Tours et chroniqueur officiel du royaume des Francs, le mentionne ? Peu après l’assassinat en 584 de Chilpéric, roi de Paris, sa femme Frédégonde demande au roi Gontran de Bourgogne, frère de son défunt mari, la protection de son fils Childebert à travers un baptême. Tandis que la cérémonie se prépare à Nanterre, Gontran rejoint sa villa de Rueil et y fait venir l’enfant pour parlementer avec la mère… Un passage que vous pourrez lire en latin dans le texte. 

À double titre

Ce récit « en direct » de Grégoire de Tours (540-594), étant contemporain des faits, a donné lieu au fil du temps à plusieurs manuscrits, conservés dans des monastères. Jusqu’à ce qu’au XVIe  siècle, Josse Bade et Jehan Petit, deux des plus grands libraires et parmi les premiers imprimeurs français, publient une édition des œuvres de l’évêque. « Cette entreprise repose sur un principe humaniste qui consiste à diffuser la connaissance à travers le monde », explique Philippe Tessier. Les éditeurs compilent et recoupent une dizaine de versions différentes du manuscrit afin de s’approcher le plus possible du texte originel. « Cet exemplaire de 1512 est la première édition imprimée de cet ouvrage ancien, un princeps qui nous offre ainsi la première mention imprimée de Rueil, souligne Olivier de la Serre, maire adjoint aux Affaires culturelles. Il constitue un précieux témoignage sur l’histoire de notre ville mais aussi sur les débuts de l’imprimerie. »