Disdéri ou la grandeur du petit format

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Rueillois de 1860 à 1865, le photographe Disdéri, qui connut son heure de gloire sous le Second Empire, n’est pas la moindre des célébrités de notre ville. Passé à la postérité pour avoir popularisé une méthode novatrice de prise de vue, il a légué aux générations futures une inestimable collection de clichés, classiques ou insolites.

Des années durant a prévalu la rumeur selon laquelle Félix Nadar avait vécu à Rueil. Grâce à des recherches effectuées par Liliane Kalenitchenko, actuellement chargée de mission auprès du maire, il est apparu que la villa attribuée au maître de la photographie avait en fait appartenu à l’un de ses rivaux, André Adolphe Eugène Disdéri.

Une invention révolutionnaire

Né le 4 octobre 1819 à Paris, le futur Rueillois étudie la peinture et s’essaie au théâtre avant de devenir fabricant de lingerie, puis bonnetier. Après les premières occurrences d’une longue série de faillites, il tient, avec son épouse Élisabeth Francart, un établissement de photographie à Brest. En délicatesse avec le régime après le soulèvement de 1848, il se fait oublier à Nîmes, où il s’intéresse à l’innovation technique des négatifs sur verre au collodion. De retour à Paris, il inaugure un imposant studio. Sans pouvoir prétendre à la paternité exclusive du procédé, il dépose, le 27 novembre 1854, un brevet « pour des perfectionnements en photographie, notamment appliqué aux cartes de visite, portraits, monuments, etc. » L’appareil multi-objectifs qu’il met au point permet de fixer jusqu’à huit images sur une seule plaque. Bien meilleur marché que leurs homologues réalisés par daguerréotype, les clichés, vendus sur des supports cartonnés de 6 x 9 cm, ont également l’avantage d’être reproductibles à volonté. « Pour 20 francs, le premier quidam venu pourrait obtenir une douzaine de cartes de visite, alors que, jusque-là, un seul portrait photographique se payait de 50 à 100 francs », résume Disdéri, dont le format, propice à la diffusion, allait s’imposer jusqu’en 1914. 

L’industrie du portrait

Après de nouveaux déboires financiers, il connaît un regain de notoriété à la faveur d’une légende urbaine selon laquelle Napoléon III se serait fait photographier dans son atelier du boulevard des Italiens, en 1859. Le Tout-Paris, de l’aristocratie au demi-monde, 
s’entiche alors du « photographe de l’Empereur », dignité à laquelle il accède effectivement à l’apogée de sa carrière. Parmi ses augustes clients, on compte également la princesse de Metternich, le baron de Rothschild, Ingres, Verdi, Gounod… Adepte des mises en scène cocasses, le facétieux artiste ne dédaigne pas les poses excentriques, rehaussées de costumes et accessoires détournés de leur usage, comme en attestent le duc de Polignac en maillot de bain ou le baron de Blonay enfourchant un cheval de bois, à mille lieues de conventions hiératiques. Source d’inspiration pour ses contemporains, Disdéri, qui s’illustre aussi par ses reportages lors de l’Exposition universelle de 1855 ou de la Commune, ouvre des succursales à Saint-Cloud, Londres et Madrid et brevette, en 1863, la « carte mosaïque ».
Fort de sa prospérité, il acquiert, le 15 janvier 1860, une belle propriété à Rueil, au 120 avenue de Paris (aujourd’hui 200 avenue Paul-Doumer), vendue cinq ans plus tard. Victime de son train de vie tapageur et de la déchéance de l’Empire, il devait affronter un ultime revers de fortune et céder son affaire en 1877. Après une escale à Nice, l'ancien citoyen rueillois s’éteint le 4 octobre 1889 à l’hôpital Sainte-Anne, affligé d’infirmités, dans le plus complet dénuement. Sauvée de la destruction par le général Rebora, qui en fait don à Maurice Levert en 1913, son œuvre est réorganisée en 91 albums thématiques, comprenant quelques 55 000 références. Le fonds est vendu aux enchères à l’hôtel Drouot en 1995. Une mine d’archives sur l’histoire du Second Empire. 

 

Travail de fonds
Le musée d’histoire locale dispose d’un fonds de 600 clichés au format carte de visite, acquis aux enchères en 2009. Signés de différents photographes, ils présentent un passionnant panorama de la haute société du Second Empire. Afin de valoriser cette richesse et de sensibiliser les écoliers au monde de l’art, un parcours pédagogique a été élaboré par le musée et la classe de C.E.1 de Marie-Sophie Coster (école des Trianons).